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Les "Tue-belles-mères" de Léon Bollée

Tout le monde ne réussit pas dès sa première tentative, et pourtant un Manceau y parvient dans un domaine où la Sarthe va briller, celui de l’Automobile et de la Course automobile !

En 1895, Léon Bollée fait breveter sa première réalisation automobile, la Voiturette… avec un « V » ! Par la suite, d’autres firmes, produisant des engins du même genre, créent des termes voisins principalement de façon à éviter des poursuites judiciaires. On parle de Voiturelle, de Voiturine… Bien plus tard, cette précaution perdure aussi une 205 ne peut qualifier qu’une Peugeot, un Scénic pour une Renault… il n’y a aucune ambiguïté !

Le 14 novembre 1896, une liaison automobile se déroule entre Londres et Brighton prévue pour être une promenade. Mais le Français Léon Bollée la considère comme une compétition et l’emporte juste devant son frère Camille, pilotant chacun une Voiturette. À la suite de cette double performance, Léon en vend le brevet à H. O. Duncan, industriel britannique. La Voiturette s’envole alors vers le succès !

Plus tard, la firme automobile française Hurtu, bien connue pour ses machines à coudre et ses bicyclettes, en fabrique aussi une série importante. Lui-même, Léon se garde le droit d’en produire des modèles destinés à la compétition.

La Voiturette, engin très léger et particulièrement maniable avec ses deux roues avant directrices et sa seule roue arrière, atteint aisément les 30 km/h. Une performance exceptionnelle pour la fin du XIXe siècle. Elle est animée par un monocylindre avoisinant les 600 cm3 créé par Amédée Bollée fils, son frère aîné. Les aptitudes du véhicule lui garantissent un beau succès commercial en Sarthe et les départements voisins pour le moins. Effectivement, il paraît vraisemblable que plus de 1 200 Voiturettes soient produites !


Jean Térouanne et Robert Treille à bord d’une Voiturette. Coll. part.

Mais pourquoi ce surnom de Tue-belle-mère ? Sachant que, si le pilote se tient à l’arrière, le passager, ou la passagère, s’installe à l’avant sans aucune protection en cas de choc ! Donc, une promenade avec sa belle-mère à bord une Voiturette pourrait permettre de … D’après Gérard Bollée, ce qualificatif viendrait des Anglo-Saxons… peut-être plus mal intentionnés que nous !

La Voiturette et la compétition

Après la belle performance anglaise de 1896, il paraît intéressant à Léon de faire participer ses bolides à des épreuves sportives l’année suivante.

Tout commence avec Paris-Dieppe le 24 juillet 1897, sur 171 km, pour les 59 concurrents. Cinq Voiturettes au départ (180 kg), dont celle de Paul Jamin, victorieuse à 40,5 km/h ! Un autre Manceau René Pellier termine 5e avec un engin similaire.

Trois semaines plus tard, le 14 août, Jamin récidive sur 178 km, à 45,37 km/h lors de la course Paris-Trouville. Le 4e, Henri Péan à bord d’une autre Voiturette appartient aux cadres de l’usine.

En 1898, dans Tours-Blois-Tours, Paul Jamin l’emporte encore avec sa Léon Bollée.

Bien sûr, on peut toujours affirmer que Jamin qui pèse à peine plus de 50 kg est avantagé par rapport à d’autres… Et pourtant, Léon Bollée qui dépasse allégrement le quintal se montre d’une belle efficacité pour le moins ! Ainsi, entre Le Mans et Écommoy réalise-t-il des performances surprenantes : 45 km/h de moyenne en juillet 1897. Il parcourt le kilomètre sur le même tracé, en 1898, à 56,25 km/h ! En avril de la même année, disposant d’une Voiturette à deux moteurs, il abat les 100 km de l’épreuve Étampes-Chartres-Étampes en 1 h 57 min 47 s, soit à la moyenne de 50,8 km/h.

La version suivante de la Voiturette dispose de quatre roues mais ne connaît pas le succès commercial. En revanche, Léon atteint les sommets quelques années plus tard avec son type G, bien plus conséquent et luxueux.

Le succès de la Voiturette auprès des Sarthois

L’Automobile, en cette fin de XIXe siècle connaît un succès grandissant. L’administration se doit de créer l’ancêtre du permis de conduire, une taxe de plus ou une véritable autorisation plus ou moins « bidon » ? Il n’empêche, qu’en 1899, apparaît le « Certificat d’aptitude à la conduite automobile ». Il s’adresse à des Sarthois financièrement aisés car ce document n’a d’intérêt que si l’on possède un véhicule.

Il est captivant de consulter la liste des Manceaux qui se procurent le fameux certificat. Chronologiquement, on découvre :

  • Martial de Soulier que l’on retrouve dans certaines courses automobiles avec une Voiturette,
  • Étienne Giraud, futur pilote de course notamment pour Amédée Bollée fils,
  • Amédée Bollée fils, « pour les voitures à vapeur, à pétrole, électriques » ; compétiteur et surtout constructeur,
  • René Pellier, industriel en conserverie, pilote de course sur Voiturette, à l’origine de l’ACO,


  • Camion de livraison Pellier. Coll. part.

  • Paul Jamin, industriel (Moulins de Saint-Georges, au Mans), pilote de course, à l’origine de l’ACO, futur Président de l’Automobile Club de l’Ouest.
  • Camille Bollée, « pour les voitures à vapeur, à pétrole, électriques » ; il pilote en course ; il conçoit et fait réaliser un ensemble automobile constitué d’une Voiturette et d’une remorque permettant de transporter des pompiers et leur matériel de secours,
  • Edmond Aubert, constructeur automobile installé place de l’Éperon au Mans,
  • Henri Vallée, constructeur automobile, dont l’usine se tient rue de l’Australie au Mans,
  • Jules Carel, constructeur de matériel ferroviaire, à l’origine de l’ACO,
  • Georges Delaroche, mécanicien automobile dont le fils Georges pilotera avec succès aux 24 Heures du Mans,
  • Victor Hémery, employé chez Léon Bollée, qui deviendra l’un des plus grands champions automobiles au monde par ses victoires et ses records du monde de vitesse,

  • Victor Hémery au volant de sa Darracq

  • Louis Verney, industriel dans le domaine des transports routier et ferroviaire, à l’origine de l’ACO.
  • En dehors de ces personnages, beaucoup utilisèrent des Voiturettes par la suite, au cours des concentrations de véhicules anciens.


    La Voiturette dite Belzébuth de S.C.H. Davis à Brooklands

  • SCH Davis, dit Sammy Davis, vainqueur des 24 Heures du Mans en 1927, sur une Bentley.
Pour approfondir, ne pas manquer de consulter l’article de Gérard Bollée (dans le numéro 391 p. 36-38) de La Vie Mancelle & Sarthoise.


Jean-Pierre Delaperrelle