La cathédrale Notre-Dame de Paris s’embrase, à la surprise de tous, le 15 avril 2019. Cet incendie aurait pu alors détruire entièrement un des chefs-d’œuvre de notre patrimoine. Heureusement, il est en partie préservé grâce à l’action et au courage des services de secours. Cependant il reste à reconstruire tout ce qui a disparu, à restaurer ce qui a trop souffert… la tâche demeure immense. Afin de réussir cette gageure, il provient des fonds exceptionnels par leur ampleur comme de leur diversité, venant de tout le pays et aussi de l’étranger.
Parmi les éléments essentiels qui ont le plus souffert on compte la toiture et bien sûr la charpente ! Il faut reconstituer cette dernière, si possible à l’identique, un des joyaux de la cathédrale. Ne dit-on pas à l’époque de l’évènement tragique que les forêts françaises ne peuvent suffire pour ce sauvetage ? Effectivement le défi paraît immense voire très mal engagé.
Le lendemain 16 avril, une chaîne se crée à travers le pays afin de trouver tous les chênes nécessaires. À la base de cette suite, le Sarthois Antoine d’Amécourt agit au nom du syndicat des propriétaires forestiers privés, Fransylva France, dont il occupe le poste de président. Intervenant à la télévision, il déclare que les 3 000 chênes indispensables seront fournis par ses adhérents afin de reconstruire les charpentes de la toiture, particulièrement vaste, et de la flèche.
Parmi tous les donateurs on trouve un couple bien connu au sein des mouvements culturels sarthois : Anne et Lionel Hubert. Lui préside la structure sarthoise de ce syndicat. Anne possède 18 hectares dans lesquels s’élèvent de superbes chênes. La discussion au sein du couple est brève, ils décident d’en fournir cinq puisque tel en est le minimum requis. Ils en disposent dans leur parcelle située au bois de l’Épine, à Saint-Ouen-en-Belin, entre Laigné et Écommoy.
Le 19 thermidor an VII (6 août 1799), René Guyet et son épouse Scholastique Héry, ancêtres d’Anne Hubert, acquièrent un secteur de chênaie. Bien entretenu, celui-ci se transmet de génération en génération pendant plus de deux siècles. En septembre 2022, à la demande d’Anne et Lionel, un expert vient déterminer les arbres destinés au sauvetage et impose des marques sur leur tronc.
Julien, chêne NDP 3098
Matthieu, chêne NDP 3099
Jérémy, chêne NDP 3100
Lucas, chêne NDP 3101
Trésors, chêne NDP 3102
Ils reçoivent les noms de Julien, Matthieu, Jérémy et Lucas, prénoms des petits-enfants des généreux donateurs.
Les trésors d'Anne et Hubert
Au cinquième, est attribué le nom de Trésors puisque ces héritiers du couple Hubert constituent leurs trésors !
Les chênes choisis surplombent le sol de 20 mètres au moins, dont 15 exploitables, et disposent d’un diamètre minimal de 45 cm. Les fûts sélectionnés ne s’élèvent pas tout près les uns des autres, le but poursuivi consistant à éviter une étape « table rase » comme on peut le voir bien souvent en sylviculture classique. Cette façon de procéder permet aux promeneurs, comme aux passionnés, de pouvoir admirer des arbres voisins de différentes tailles. De plus le couvert forestier ne se trouve en rien altéré !>
Anne devant l'un des chênes abattus
Croissant sur ce terrain depuis environ 100 ans, ils sont débardés le samedi 17 décembre 2022 par des chevaux convoyés par leurs propriétaires : Christine Sallé, Jean-Baptiste et Vivien Ricard. Les quatre colosses procédant à l’opération, particulièrement bien dressés, réagissent au moindre mot pendant toute leur tâche. D’origines diverses puisque l’attelage se compose de Doupette, une percheronne, Câlin, un ardennais, et de deux comtois : Iris et Oliver.
Cette technique forestière, consistant à déplacer ainsi des grumes en terrain difficile dans une forêt, intervient peu. Elle présente une alternative digne d’intérêt sur ces types de sols puisque les tracteurs forestiers y montrent des limites certaines. De plus la traction animale ne produit pas les dégradations de la machine : production d’ornières, destruction des racines des arbres et blocage des microsources.
Cette opération s’effectue sous les regards passionnés de Charlène David, de l’Orée de Bercé-Belinois, et Cédric Belliot, technicien CNPF Bretagne-Pays de la Loire, ainsi que d’une cinquantaine de personnes venues admirer l’opération. Parmi celles-ci, des exploitants et propriétaires forestiers, représentants d’associations écologistes, éleveurs de chevaux…>
Plus tard, le curé d’Écommoy, Hubert de Richemont, vient bénir les cinq chênes destinés à la restauration de Notre-Dame.
Départ des chênes pour la scierie Perrault
Par la suite, les cinq chênes gagnent la scierie Perrault Frères, en Maine-et-Loire où ils sont transformés en poutres destinées à la charpente. Les employés de l’entreprise œuvrent gratuitement à l’instar d’Anne et Lionel ainsi que tous les propriétaires qui ont fourni des chênes.
Alors, le 7 décembre 2024, officiellement, Notre-Dame retrouve tout son intérêt cultuel et historique.
Sources :
Le Maine Libre
Divers témoignages dont celui de la famille Hubert